Un roman noir qui se passe sur l’île de beauté, et qui traite de l’affairisme et de l’indépendantisme sévissant en Corse. Cette fiction met l’accent sur l’action, la trahison, la violence, à travers filatures, planques, assassinats et interpellations d’autonomistes corses, autant d’ingrédients qui servent une sale histoire du genre.
Histoire complexe
Alix Deniger a passé trente ans dans la police, dont douze ans à traquer des autonomistes corses, basques, des intégristes religieux, des espions ou des extrémistes politiques… Il signe-là son premier roman, sous pseudo, s’inspirant largement de sa connaissance du dossier corse. Cela confère une grande cohérence à cette histoire complexe qui mêle politique, raison d’État, banditisme, nationalisme, où chacun se lance avec acharnement dans une lutte de pouvoir, presque une guerre de territoire, y compris à l’intérieur de chaque faction, avec un jeu des alliances et des situations « border line ». Malgré un trop grand souci de faire vrai, à utiliser un vocabulaire policier trop obscur et systématiser le corse chez les indépendantistes, le lecteur se laisse prendre par ce polar limite politique, assurément désabusé par le monde criminel et l’organisation policière. Cela frôle parfois la caricature tant le trait est grossi, mais l’intrigue a le mérite d’être singulière, et d’offrir un autre point de vue, avec des personnages attachants, au caractère bien trempé, comme Hervé, l’officier des RG, et François, le nationaliste ajaccien, à la fois élu et clandestin.
Regard sur l’autonomisme
Au jeu des apparences, personne ne les sauve, ni n’en retire gloire. Plus un jeu de dupes et des coups de bluffs qui marque la fin de l’époque des parrains à l’ancienne. Cela pourrait être la morale de cette histoire, si elle en avait besoin. Parce que le mouvement indépendantiste n’est pas aussi puissant qu’il voudrait bien le laisser paraître, et qu’à trop fréquenter les bandits, il risque de s’y laisser aspirer, ou de leur faire trop d’ombre. Vouloir s’offrir à tout prix une place au soleil a un prix. Face à ces adversaires, la police n’est pas mieux lotie, qui veut paraître redoutable, mais qui manque d’effectifs, de matériel, de soutien politique. Cette équipe de la DCRI confrontée à une recrudescence terroriste des nationalistes corses aura maille à partir avec les mafieux insulaires et les indépendantistes. Les chiens sont lâchés… Une fiction qui a bien des relents de réalité, quoi qu’en dise son auteur.
Myriam Mattei
Alix Deniger, I cursini, Gallimard, 288 pages, 16,90€