La dernière expo de Toussaint Mufraggi, "Mare Vostrum", du 25 octobre au 9 novembre dernier, à l’Espace Diamant à Ajaccio vient de s’achever. L’occasion de se pencher sur un artiste-peintre peu commun...
"La lumière m’a toujours fasciné". D’entrée, Toussaint Mufraggi plante le décor de son univers pictural. Dans l’atelier attenant à sa maison, située à "Santi Feli", en contrebas de Villanova, ils affluent de toutes parts. De Corse bien sûr mais aussi de Paris et même de beaucoup plus loin (des USA par exemple). Il faut dire que la notoriété de l’artiste a largement franchi les frontières de l’île. Pour preuve, il a déjà exposé en Italie (Catania, Gênes), Espagne (centre d’art contemporain Espais à Gérone, Barcelone), Marseille, Avignon, Paris et jusque dans des collections privées internationales d’envergure aux Etats-Unis, Pays-Bas ou en Suède.
Un peintre autodidacte
À la lecture de ce CV impressionnant, on pourrait croire que l’artiste est issu, à l’instar de nombreux peintres, d’une grande école. Pourtant, et avec une grande simplicité, il explique les raison qui l’on conduit à travailler son art, seul, dans son atelier. "J’ai fait le choix de rester, explique t-il, quand d’autres sont partis étudier dans diverses écoles. J’ai toujours voulu défendre ce que j’avais de plus fort en moi. Les mystères de mon enfance, les "fole" que racontaient mon grand-père, tout cet imaginaire et cette nature où s’est formée ma philosophie de vie. Malgré un environnement peu propice de prime abord, j’ai toujours voulu exprimer cette passion." Toussaint Mufraggi peint depuis une quarantaine d’années. Il vit de son art depuis une dizaine d’années seulement. La particularité de ses œuvres ? Elle repose sur les couleurs. "Je suis un peintre coloriste, rajoute t-il, c’est un don particulier. On doit avoir le sens d’exalter les couleurs, leur donner une impression de flamboyance. Le coloriste naît coloriste, c’est un langage des couleurs mais quelque chose qui en soi, est naturel."
La peinture, un discours intérieur
De l’ombre à la lumière, des éclats lumineux aux contre jours, le peintre décline tout son art en élaborant ses toiles très soigneusement au gré de ses couteaux et pinceaux. "Je travaille sur des séries, poursuit Toussaint Mufraggi, je peins tous les jours. Une pensée, une image arrivent, j’ai alors mon thème. Je peux rester deux ans dessus." Ainsi sont nées des séries telles que "Tarra mea", "les voyages de l’impossible" ou "les rivages de l’Odyssée". "Je peins ma terre en référence à la mythologie fondatrice de la Méditerranée." Là où le néophyte ne verra que de simples couleurs étalées sur une toile, celui qui a la sensibilité requise et qui sait faire abstraction de son intellect pourra déceler les trésors que recèlent ces toiles. "Il y a un discours intérieur entre celui qui regarde et la toile." Le 9 novembre dernier, l’artiste a bouclé une expo à l’Espace Diamant, débutée le 25 octobre sur le thème "Mare Vostrum". "C’est une façon de faire don de sa peinture aux autres." Et par ailleurs, il a rassemblé dans son ouvrage "Rencontres", où ses toiles s’harmonisent parfaitement sur des poésies de son ami, notre confrère Jacques Renucci.
Une reconnaissance internationale
"Je ne suis pas dans les normes, poursuit-il, l’artiste est dans un autre monde. La valeur des choses est différente. Aujourd’hui, je suis un homme comblé. Je n’ai besoin de rien si ce n’est de la santé pour pouvoir continuer à peindre." Quant à la clé de sa réussite, Toussaint Mufraggi la doit à une création contemporaine qui peut attirer autant le néophyte que le collectionneur. Une reconnaissance nationale et internationale qui ne l’empêche pas de rester fidèle à lui-même. "De chez moi, conclut-il, je vois la même forme des montagnes que mon grand-père et avec lui, ses ancêtres. Ellu era pastore, èiu sò pittore. C’est là toute la différence. Quelque part, on se rejoint."
Ph.P.