Le FRAC suit vos créations depuis un certain temps déjà. Quelles relations entretenez-vous avec cette institution ?
Le FRAC-Corse a commencé à acquérir deux de mes pièces en 2003. Puis une troisième en 2005. Avec cette institution j’ai établi un rapport de confiance parce que j’ai senti là un désir d’œuvre. Le FRAC m’a simultanément donné un moyen de « monstration » et c’est important.
Dans « La confrontation » vous filmez la transformation de votre corps que vous suralimentez. Pourquoi cette option ?
Par désir de questionner la représentation en échappant aux limites de ma propre représentation. Par volonté de montrer comment la société nous conditionne en exerçant la violence symbolique qui lui est propre.
Qu’est-ce qui différencie cette action de celle d’un comédien sur une scène ou devant une caméra ?
Pour moi jouer la comédie implique un texte. Oui, bien sûr je peux faire des sketches, comme dans la vidéo vue au FRAC, « La confrontation », mais mes mots ce n’est pas du Genêt ! Quand un comédien grossit de trente kilos c’est pour interpréter un personnage, moi c’est plus complexe, car en me transformant je reste moi, et je suis plus libre qu’un acteur.
Êtes-vous certain qu’il n’y a pas d’impact sur votre identité personnelle ?
C’est une expérience que je gère, car je décide des tenants et des aboutissants du jeu, et je me joue des moyens que j’utilise. Si cela crée un trouble qui génère du doute, je ne m’en inquiète pas. Au contraire ! En fait je mets plus à mal la valeur de l’œuvre que ma propre identité … Même en faisant 100 kg je me sentais maigre dans ma tête !
Quel travail exige de vous ces transformations ?
Il faut d’abord que je décide des choses : par exemple grossir de manière idiote en mangeant sans arrêt. Quand j’ai commencé à prendre du poids j’ai choisi d’être sur le créneau de la bonhomie. Je marchais le ventre en avant comme un tonton replet et j’étais content ! Lorsque j’ai arrêté de m’alimenter constamment ça a été du jour au lendemain. Pour la vidéo « La conjuration », tourné à New York, je préparais mes sketches le matin au réveil, ou en me rendant à l’atelier. Sur mes trajets, dans la matinée, je croisais des femmes de ménage, des ouvriers, le peuple paupérisé. L’après-midi pour rentrer chez moi c’était des cadres, des gens plus fortunés, plus puissants. Le paradoxe de l’artiste est de côtoyer tous les milieux et c’est bien, puisque les idées sont dans le réel.
Ce désir de transformations le cadre newyorkais l’a stimulé ?
New York, pour moi, c’est l’Actors Studio, c’est Scorsese, c’est l’énergie que déploie cette ville et que l’on ressent très fort. New York m’a permis à la fois d’être proche de la prégnance du réel et d’être à distance des choses. Voilà qui est capital et explique ma liberté de ton.
Avez-vous un message ?
J’ai des intentions bien précises et des positions pour les exprimer. Je critique les outils de la représentation et mets en évidence ses modes de perception. La nécessité de la représentation ne suffit pas sans sa mise à mal.
Vous privilégiez l’humour, la parodie ?
Pas seulement … J’ai des repères qui me viennent de la comédie américaine, du format du stand up, je suis sur le registre du sourire mais j’utilise aussi le trouble, le trouble qui provoque le doute.
Performance, vidéo, photographie, arrangement où êtes-vous le plus à l’aise ?
Photo, performance, vidéo, tout est toujours très préparé, alors que la réalisation est très relâchée car dans l’urgence. Mon travail est très performatif avec des possibilités de basculement dans l’instant.
Propos recueillis par M.A-P