François-Marie Guidicelli, soldat corse, fusillé pour l’exemple, en 1915, à 21 ans, a été exhumé vendredi du cimetière de Caix pour être inhumé dans son village natal, à à Santa Reparata Di Balagna. Une délégation corse était présente, « pour qu’il rentre dignement en Corse », a précisé Antoine Fondacci, conseiller municipal à Santa Reparata-di-Balagna.
Les mains liées dans le dos et sans cercueil
Le squelette de ce soldat corse du 140e régiment français, a été retrouvé dans sa tombe les mains encore liées dans le dos et enterré à même la terre, sans cercueil, sans nom, sans plaque. C’est Jackie Poggioli, journaliste à France 3 Corse, réalisatrice d’un magnifique documentaire sur ces soldats fusillés pour l’exemple et aidée du généalogiste picard Daniel Greu, qui a retrouvé la trace de François-Marie, enterré à l’écart dans le cimetière de Caix. François-Marie avait été victime le 8 juin 1915 d’une commotion cérébrale provoquée par les explosions. Il avait erré sans but et, après avoir repris conscience, il s’était présenté à son commandement le 17 juin. Condamné à mort par un conseil de guerre spécial, il avait été fusillé le lendemain, le jour de son 21e anniversaire. Ces conseils de guerre avaient été dissous en avril 1916 mais très peu de ces fusillés pour l’exemple avaient été réhabilités. Et il avait fallu toute l’énergie des militants de la Ligue des droits de l’homme pour y arriver.
Nous n’oublions pas
En Corse, la section de la LDH avait déjà œuvré pour la réhabilitation de Sylvestre Marchetti, enfant du Fium’Orbu, fusillé pour l’exemple le 22 octobre 1916 au côté de son camarade de combat, Julien Lançon. À cette occasion, André Paccou, responsable de la LDH Corse avait adressé ces quelques mots à notre communauté : "Nous n’oublions pas le sort injuste et révoltant réservé à ces deux hommes. "Nous n’oublions pas les soldats qui ont subi le même sort entre 1914 et 1918 après avoir été condamnés par des conseils de guerre. Au total, ces tribunaux expéditifs prononceront 1800 condamnations à mort. Plus de 600 soldats seront exécutés. Ceux qui échapperont au peloton d’exécution seront envoyées aux travaux forcés, en déportation vers des bagnes et des chantiers coloniaux, ou en détention dans des forteresses ou des camps militaires."
Au-delà des fusillés pour l’exemple
Les fusillades pour l’exemple s’apparentaient aux décimations du XVIIe siècle. Le moral des combattants décimés par des offensives qui se transformaient en boucherie, s’effondrait. Les maréchaux Joffre et Foch n’avaient trouvé rien de mieux que de faire fusiller "les séditieux". Mais au-delà de ces drames atroces, n’oublions pas que ce fut cette Grande Guerre qui fut un massacre généralisé tant du côté français et alliés que de celui des forces allemandes. Le nombre de tués se monta à 2o millions tandis que 21 millions d’hommes étaient blessés. En France, 27% des hommes de 18 à 27% avaient ainsi péri. 60 millions de personnes moururent en 1919 de la grippe espagnole. 11.380 Corses périrent durant les combats de la première Guerre Mondiale. Selon le site d’Ours Jean Caporossi, 6 de ces soldats insulaires ont été fusillés pour l’exemple suite à de diverses mutineries collectives ou individuelles. 2.474 sont morts dès les premiers mois de la guerre, d’août à décembre 1914, et 2.750 lors de l’année 1915. 245 sont morts en 1919. Cette première guerre mondiale démontra l’absurdité de ces combats qui provoquèrent un bain de sang parmi les plus pauvres au profit de canailles qui se connaissaient et ne se trouvaient pas sur les champs de bataille. Henri Barbusse écrivait dans le Feu : « La guerre... recommencera tant qu’elle pourra être décidée par d’autres que ceux qui la font ; par d’autres que les sombres foules qui animent les baïonnettes après les avoir forgées. » La vérité est que, habillant leurs sombres desseins des horipeaux des nationalismes, on parvint à jeter les uns contre les autres des millions d’hommes qui ne possédaient rien pour défendre les biens de ceux qui possédaient tous et n’étaient surtout pas prêts à partager. Les fusillés pour l’exemple ne furent que la caricature de ce système sanguinaire qui ordonnaient à de jeunes gens de se suicider sans rechigner.
GXC