La scoumoune, l’occhju, la poisse, la baraka, la veine, autant de termes pour désigner la chance, côté ying, ou côté yang. Nous avons tous le même potentiel de chance, sauf que certains voient le verre à moitié plein, et d’autres, à moitié vide. Le prochain vendredi 13 ne tombe pas avant mai, mais tant qu’à faire autant se préparer à toutes les éventualités. Nous avons tous nos petites croyances, qui n’ont rien à voir avec la religion. Il s’agit plutôt de notre manière d’interpréter les signes du destin, au quotidien. Une manière de croire que nous sommes tous un peu magiciens.
Question d’état d’esprit
Les Corses ont cette propension à croire, indéniablement. Ils ont, depuis toujours, su allier mazzerisme et catholicisme, sans que cela paraisse incongru. La magie est dans l’île, autant que les sangliers ou le myrte. Il existe toujours des signadori, qui transmettent leurs prières à minuit le 24 décembre, et la croyance populaire en l’ochju est très ancrée. Certains ont même des gri-gri contre le mauvais œil, confectionnés à partir de recettes ancestrales et conservés avec déférence. Il n’est pas rare d’entendre au détour d’une conversation « Je lui fais les cornes… », suivi du geste de circonstance : index et auriculaire tendus. Face aux détracteurs, les « pratiquants » répliquent que ça ne mange pas de pain, et qu’on ne sait jamais. Après tout, pourquoi pas, l’essentiel étant d’en être persuadé. En effet, de nombreuses études scientifiques se sont intéressées au facteur chance. Pourquoi certains semblent bénis des Dieux, et d’autres attirer tous les malheurs de la création ? Les scientifiques contestent largement la fatalité et versent dans le déterminisme. En d’autres termes, il suffirait d’y croire pour que cela arrive. Maintenant, il est vrai que les scientifiques n’ont pas encore établi qui de l’œuf ou de la poule est arrivé en premier. C’est-à-dire si les chanceux sont heureux parce qu’ils croient être nés sous une bonne étoile, ou s’ils sont chanceux parce qu’ils sont heureux ?
Pourquoi moi ?
Le complexe du Calimero réagit comme un aimant sur les coups du sort. À force de focaliser sur ce qui ne va pas, on en oublie ce qui va, alors que dans l’ensemble, il n’y a rien de catastrophique. Idem pour les éternels optimistes : ils ne retiennent pas les guignes qu’ils peuvent vivre. La loi des séries n’existe que si l’on la remarque. Pour avoir de la chance, il faut la tenter. D’où le slogan de la Française des Jeux. Les statistiques révèlent que les chanceux jouent plus, sans pour autant gagner plus, mais ils ne se laissent pas décourager par leurs échecs, dont ils tirent enseignement pour ne pas recommencer la même erreur. Ils placent leur énergie dans des actions positives et ne sont pas passifs. En général, ils sont sociables et tenaces. Ils tirent partie des hasards et des coïncidences et arrivent à tirer leur épingle du jeu. S’ils renversent leur café matinal sur leur costume, ils devront perdre du temps pour se changer, mais cela leur permettra de tomber sur le facteur qui devait justement leur livrer un pli important, ou de retrouver un numéro noté et glissé dans l’autre costume… Ce qui ne les empêchera pas d’arriver en retard au bureau, certes, mais ils n’en feront pas une montagne. Les chanceux ne sont pas forcément bardés de gri-gri ou d’amulettes, ils ont leur esprit formaté dans une direction positive. Mais il est vrai que cette propension à la chance est plus facile pour certains et que d’autres y arriveront au prix d’importants efforts. On se fabrique sa chance, on sait, ou pas, saisir les opportunités qui se présentent, se faire confiance et écouter ses intuitions. Quitte à avoir des objets fétiches pour s’encourager et évacuer un stress préalable à un entretien d’embauche, un examen, une réunion capitale. Et dans ce cas, mieux vaut préférer la patte de lapin au fer à cheval, moins encombrant…
Maria Mariana