Alors que l’été rayonne enfin sur l’île, donnant le hâle recherché aux estivants et le sourire aux professionnels du tourisme, le spectre de la sécheresse n’est jamais bien loin. Certes, l’avant-saison a été suffisamment pluvieuse pour que l’on se dise que les réserves sont pleines. Mais l’hiver fut sec. Ainsi va le rythme des saisons et leurs aléas. D’autant qu’en la matière, c’est un équilibre qui est idéal : trop d’eau, c’est la catastrophe, pas assez d’eau et ça ne l’est pas moins. La pression monte.
Vigilance annuelle
Cet hiver, on a eu de la neige, mais pas assez. Le problème d’eau est récurrent en Corse, chaque été se pose la même question : comment faire face aux besoins exponentiels avec l’affluence des touristes ? L’explosion démographique ponctuelle n’est pas sans poser des soucis de gestion et de mettre en avant le retard d’aménagement structurel auquel est confrontée la Corse. L’œil toujours rivé sur les barrages, l’Office d’équipement hydraulique de Corse (OEHC) maintient une vigilance toute l’année pour éviter les restrictions (la capacité de stockage de l’île s’élève à 43 millions de m3 pour une consommation moyenne globale de 28 à 30 millions de m3) et appliquer un schéma d’aménagement hydraulique qui accuse quelques retards. Mais l’OEHC n’est pas le seul sur le qui-vive. En cette période aride, les pompiers aussi redoutent la sécheresse, cause de bien des départs de feu, avec pour résultat la mise en place d’un dispositif d’intervention quotidien. Sans compter les agriculteurs qui s’inquiètent de ne pas pouvoir arroser. Ou les professionnels du tourisme qui ne pourraient pas assurer le confort à leurs clients. Et bien sûr les particuliers qui attendent de pouvoir disposer de l’eau courante potable toute l’année. Avec ce casse-tête de l’assainissement, du développement durable, des contraintes foncières, les réglementations européennes et les directives nationales. Une nécessité d’anticiper tous les besoins qui passent par des investissements importants pour aménager et entretenir les réseaux, les rendements et les capacités de stockage.
Des crises ponctuelles
En décembre dernier, le comité national de l’assurance en agriculture avait reconnu la calamité agricole sécheresse pour la production fourragère 2010-2011 dans les deux départements corses, en raison des deux épisodes de sécheresse, au printemps et la fin d’été à l’automne. Cette reconnaissance ouvre droit, pour les éleveurs corses, à une indemnisation de la perte subie par le Fonds National de Garantie des Calamités Agricoles. Des compensations financières qui ne résolvent pas le problème plus global. Autre épisode de sécheresse, autre crise. Ce printemps, les apiculteurs de Haute-Corse avaient tiré la sonnette d’alarme, craignant que la sécheresse de l’hiver ne leur fasse subir de grosses pertes, comme ce fut le cas en 2007. Des alertes et crises récurrentes qui révèlent combien de nombreuses professions agricoles sont totalement dépendantes des conditions climatiques et que les orientations environnementales ont des conséquences bien au-delà de leurs seuls périmètres d’intervention.
Effets collatéraux
Hors nos frontières, les inquiétudes liées au manque d’eau n’en sont pas moins prégnantes. Les pluies de mousson sont tardives et parcimonieuses cette année en Inde, faisant redouter la sécheresse à ce pays pour lequel l’eau est cruciale, 1,2 milliard d’habitants dépendant de l’agriculture pour subvenir à leurs besoins. Or, faute de pluies suffisantes, certains paysans n’ont pas semé cette année. Le déficit pluviométrique fait envisager le pire des scénarios. Car il est directement relié à la croissance. Un jeu de hasard où cette année l’économie indienne risque de perdre. Et la Banque mondiale (BM) de s’inquiéter aussi du pic de certains prix alimentaires en raison d’une vague de sécheresse aux États-Unis, et de ses « conséquences néfastes » sur le sort des populations pauvres. Selon la BM, la sécheresse qui touche plusieurs grands pays producteurs de céréales a fait flamber les cours mondiaux de certains produits agricoles depuis la mi-juin, notamment le blé (+50%) et le maïs (+45%). « La hausse des prix ne va pas se répercuter seulement sur le pain et les produits transformés mais également sur l’alimentation animale et, en bout de chaîne, sur le prix de la viande », estime la Banque mondiale. La manque d’eau va donc impacter directement… nos liquidités.
Maria Mariana