J’ai pris connaissance avec étonnement de l’éditorial-réquisitoire d’Aimé Pietri dans le numéro 10729 du Journal de la Corse. Je ne reviens pas sur l’affaire judiciaire elle-même. Chacun sait ce que j’en pense. Je passe donc sur les qualificatifs inutilement blessants repris ici par Aimé Pietri afin de décrire l’activité des enseignants et du rectorat de l’académie de Corse. Une telle autoflagellation hélas coutumière sous nos cieux, revient trop souvent à un dénigrement systématique de ce que la Corse peut produire. Et s’il est vrai que notre île est souvent une grande pécheresse, qui peut nier les efforts produits par cette petite population de trois cents mille âmes et les résultats souvent obtenus. Il serait aussi bon pour nous tous de parfois les énoncer et de les mettre en exergue plutôt que de toujours placer en devant de scène les échecs et les défauts. Je me dois donc d’énoncer quelques vérités incontestables qui contredisent les propos de votre éditorialiste. Écrire que les résultats du baccalauréat en Corse sont " faramineux" est une contre-vérité absolue. Même si, depuis quelques années ils sont indubitablement en progrès, ils demeurent toujours inférieurs à ceux des autres académies et les marges de progression demeurent importantes. Le baccalauréat s’il est toujours le premier diplôme de l’enseignement supérieur joue aussi en fait le rôle d’un certificat de fin d’études secondaires. Déplorer comme le fait Aimé Pietri l’adaptation de l’université à la modernité constitue en fait un refus de sa démocratisation. Aujourd’hui, le monde étant ce qu’il est, le rôle de l’université n’est plus celui d’une nécessaire mais insuffisante transmission du savoir ou de la culture générale. Elle doit être, comme dans tous les pays modernes, le vecteur de l’insertion professionnelle de ses étudiants. Et n’en déplaise à notre éditorialiste, l’université de Corse remplit avec excellence une telle fonction puisqu’elle affiche un des meilleurs taux nationaux d’insertion, chiffres produits par les instances nationales de l’éducation nationale et à ce titre incontestables. Enfin il est inacceptable de mettre en cause l’éthique des professeurs qui doivent faire face à un public élargi qui n’a plus rien à voir avec celui des années 50. Je puis personnellement témoigner de ce que la motivation première de nos enseignants n’est évidemment pas d’éliminer mais bien d’accompagner la réussite de leurs élèves. On peut toujours regretter l’époque où à peine 40% d’une classe d’âge obtenaient le baccalauréat. La France du 3e millénaire n’est pas celle du 20e siècle. Il faudra bien s’y faire sauf à se délecter des vieilles complaintes toutes bâties sur le thème de « Ah ce que c’était mieux de mon temps ». Acceptons l’idée que le temps d’aujourd’hui est celui d’une jeunesse dont les préoccupations sont profondément différentes de celles de leurs grands-parents voire de leurs parents. Les mutations technologiques, l’ouverture sur le monde, les mutations idéologiques le démontrent amplement. Et vouloir s’accrocher à son écueil en gémissant ne changera rien à la réalité des choses. Les jeunes Corses de demain devront se débrouiller avec dix fois moins de soutiens que ceux d’hier et nous qui avons la charge de les éduquer, sommes missionés pour les armer du mieux que nous pouvons. La France ne produit toujours pas assez de diplômés de l’enseignement supérieur et demeure à la traîne dans les classements internationaux. Au contraire d’Aimé Pietri, je tiens au contraire à saluer l’éthique de nos enseignants qui, avec des contraintes budgétaires dues à la crise et des exigences nouvelles, conduisent le plus loin possible des élèves autrement plus en phase avec les réalités sociales que ne l’étaient leurs aînés. L’école d’aujourd’hui portent sur ses épaules les maux de la société qui, hier encore, restaient en grande partie au seuil des écoles et lycées. Les enseignants que j’ai l’honneur de défendre au quotidien honorent leur métier qui est devenu l’un des plus difficiles qui soit. Ils méritent des remerciements et non pas les marques d’un mépris d’un temps révolu.
Michel Barat, Recteur de Corse
NDLR. En nous adressant- son droit de réponse, le recteur Barrat, s’est, semble-t-il, pris les pieds dans le tapis de son indignation. Nous n’allons pas discuter sur le fond qui est de son seul sentiment. Mais, sur la forme, nous sommes désolés de lui faire remarquer que sa pratique de la langue française n’est pas d’une excellence absolue. A commencer par l’orthographe. Ainsi, confondant le singulier et le pluriel, écrit-il « l’école d’aujourd’hui portent sur ses épaules… » Quelques lignes plus haut, créant un néologisme, il écrit encore : « nous avons été missionés ». Même si le verbe n’existe pas dans le dictionnaire il aurait fallu l’écrire avec deux « n » (voir missionnaire). Enfin la répétition disgracieuse de « au contraire » (« Au contraire d’Aimé Pietri, je tiens au contraire à saluer… » aurait pu être évitée, comme le reste, par une relecture attentive du texte. Quant à l’édito qu’il conteste, il aurait mieux fait, là encore, de l’éplucher, avant de partir bille en tête contre son auteur.