Deux candidats de gauche aux présidentielles sont passés par la Corse afin de diffuser leurs idées et parfois d’émettre des points de vue sur les problèmes locaux totalement contraires à ceux affichés par leurs appuis insulaires.
Mélenchon le jacobin invétéré
Le candidat Mélenchon me plaisait bien. Son énergie, son absence de complexe vis-à-vis d’un certain establishment tranchait sur la mollesse des autres impétrants. Je lui reprochais quelques broutilles : le suremploi du terme "résistance" aussi énervant que celui d’indignés, son mitterrandisme forcené. Il me semblait aussi que son agressivité contre les journalistes comportait une certaine part d’élitisme déguisé en anti-élitisme. Mais quand même, il remuait les foules avec ses envolées à la Jaurès. Et puis voilà qu’il a eu le malheur de se produire sur le plateau de Cuntrastu. Il s’est alors montré sous l’allure d’une caricature de jacobin dogmatique ! Visiblement le sujet corse n’intéresse que de loin ce candidat qui, sitôt sorti du cadre établi par ses mentors communistes, a dévoila sa nature de franco-français incapable de percevoir la complexité du monde moderne. Le camarade Mélenchon a laissé déborder son centralisme archaïque en matière de linguistique et plus précisément pour ce qui concerne la place à accorder à la langue corse. Ce pauvre Mélenchon en est resté aux positions de l’abbé Grégoire qui prêchait lors de la révolution de 1789 pour une langue unique laminant "les patois" locaux. Cela ne fait jamais que deux siècles et demi de retard. Il n’a pas osé reprendre le terme de patois mais on sentait bien que sous son mépris affiché le concept réducteur affleurait d’accord sur ce point avec Nicolas Sarkozy qui a annoncé qu’il ne signerait pas la charte européenne des langues régionales. Et pour appuyer son opposition à la reconnaissance de la langue corse, il a énoncé comme une évidence qu’à deux rues de chez lui on parlait le tamoul et qu’il ne voyait pas là une raison suffisante pour qu’en co officialise le tamoul. Et dire que j’avais fini par penser que par-delà son écorce se cachait une certaine finesse intellectuelle. Monsieur Mélenchon oublie qu’en Corse, le Corse est la langue naturelle des "indigènes" et qu’à ce titre il a tout de même plus de droit de cité dans les écoles qu’une langue parlée par des immigrés. Et quand bien même le tamoul deviendrait la première langue de la capitale, je pense qu’il faudrait l’enseigner de manière co officielle dans les écoles. Aux États-Unis, l’espagnol est parlé par un tiers de la population et, à ce titre, a droit de cité dans les établissements scolaires. Et c’est bien normal. Le plus étonnant est qu’il est totalement en porte-à-faux avec les représentants locaux du Front de gauche qui bataillent pour la reconnaissance de la langue corse.
Eva Joly ou le charisme d’un dossier judiciaire
Eva Joly a eu plusieurs vies dans une. La dernière est celle de candidate écologique. Aussi sympathique soit la cause qu’elle défend, force est de reconnaître que cette candidate possède la diction d’une greffière, le charisme d’un dossier judiciaire et la conviction d’une expert comptable. Elle a d’ailleurs benoitement avoué qu’elle ne connaissait guère la Corse ce qui était fâcheux. Mais elle est pleine de bonne volonté et elle énonce souvent des vérités et également quelques lieux communs Comme tous les candidats elle a aimé les ficatellu et le brocciu. Mais le plus décevant est son corporatisme franchement insupportable dès lors qu’elle traite de la justice. Pour elle, la JIRS n’est pas une juridiction d’exception. À l’écouter ce serait même la normalité. Le mélange procureur-magistrat instructeur ? Elle affirme qu’elle agissait ainsi (ce qui est d’ailleurs faux puisqu’elle s’est toujours plainte des pressions du parquet sur ses enquêtes). Bref, Eva Joly ne s’est pas comportée en candidate de gauche mais en ancienne juge d’instruction qui déjà usait de la détention préventive comme d’une arme contre ses "clients". Il fallait l’oser alors que plusieurs Corses sont en grève de la faim justement contre les pratiques de cette juridiction d’exception et que ses propres soutiens insulaires ont justement pris position contre les méthodes de la JIRS. Enfin, une candidate de gauche aurait du traiter de la déshérence sociale qui est le principal pourvoyeur de délinquance et qui ne saurait être traité par la seule répression. Juge un jour, juge toujours ?
GXC