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A la rencontre de Christian Ruspini

jeudi 26 janvier 2012, par Journal de la Corse

Comment avez-vous travaillé ce texte pour la scène ?

Se référant à « Pégase », monté précédemment, Marcu Biancarelli disait que « Murtoriu » était complètement cinématographique. Du coup je suis parti de l’idée que j’allais faire du cinéma ! Avec Pierre Gambini on a pensé à une musique proche de celle du western… Restitution du texte, ambiance musicale très présente, quelques matériaux bruts : bois, fer, terre. Voilà le fondement de notre travail.

Tragique ? Onirique ? Méditative ? Quelle est la tonalité dominante de l’œuvre ?

Ce texte n’a rien d’univoque d’où sa difficulté. De la contemplation, du silence, des descriptions très fortes, des dialogues simples, il y a toute une complexité derrière les tranches de vie évoquées.

Qu’est-ce qui fait la force de cette prose ?

La qualité de l’observation. Le mélange de vrai et de fiction. La manière que peut avoir toute une population de voir les choses comme les voit le personnage de Marc Antoine, ce qui montre combien ce roman, cette littérature est ancrée dans une réalité. Sauf référence à la guerre de 14-18 « Murtoriu » n’est pas daté mais il se situe dans un temps proche du notre. Cette proximité temporelle est caractéristique chez Biancarelli.

La Corse avec ses contradictions, ses atermoiements, ses dérives ne serait-elle qu’une île qui n’en finit pas de mourir ?

« Murtoriu » porte une vision beaucoup plus large. C’est un face à face constant des personnages avec la mort. Face à face fascinant car il incite à sortir du mortifère. Pour résumer ce que je ressens, je citerais ces mots du cinéaste, Markus Fhleinz : « On mesure le développement d’une société à la façon dont elle est capable de se confronter à ses criminels. »

Dans « Murtoriu » surviennent à plusieurs reprises des descriptions de paysages du sud de l’île d’une époustouflante beauté. De tels paysages n’incitent-ils pas à se dépasser, à se sublimer ?

La beauté de ces paysages suscite chez moi l’aphasie, et l’accablement tant elle me rend inerte ! Cet aspect du texte est latent mais jamais frontal, jamais direct. En fait ces paysages sont de la poésie pure.

Quelle signification profonde revêt la référence à la guerre de 14-18 ?

C’est toute l’injustice et l’horreur d’une guerre à laquelle a participé le grand-père du personnage central du livre. Le texte dit l’histoire de trois générations d’hommes d’une même famille. Leur histoire est violence. Mais ils vivent aussi de très bons moments.

Chez Biancarelli peut-on parler d’une île, d’une société cannibale ?

Assurément non. C’est une île où les êtres s’entretuent mais non une île cannibale ou cannibalisante ! Certes cette île est focalisée sur la fascination de la mort mais sans ce face à face elle ne parviendra pas à alléger son fardeau.

Pourquoi avoir demandé la musique à Pierre Gambini ?

Entre univers musical corse et électro pop il a entrepris un beau travail. On est parti très vite : lui improvisant et moi lisant. Cette collaboration on en avait chez envie car on partage les mêmes idées en art. Il y a chez lui cette exigence que j’apprécie et qui est un bon moteur dans ce qu’on entreprend. Tous les deux on se sent en outre très proches de Marcu Biancarelli tout en sachant aussi s’en détacher.

La création de votre compagnie, « Vela Versu » c’était un besoin ?

J’ai un vrai désir de continuer dans ma voie. Je prévois d’abord de faire des lectures d’auteurs que je veux servir, lectures accompagnées d’échanges avec le public. Ensuite je monterai des pièces.

Propos recueillis par M.A-P

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